LE VIDE CLASSIQUE | THERMOïTIQUE DES PARTICULES FUGACES


Aristote et ses élèves croyaient qu'aucune région de l'espace ne pouvait être entièrement vide : le vide (le «rien»), leur semblait aussi hors d'atteinte que l'infini (le tout). Les physiciens du XVIIe siècle s'inscrivirent en faux contre l'affirmation aristotélicienne que «la nature a horreur du vide» et Torricelli démontra que le vide existait. Or, selon la physique moderne, l'idée d'Aristote est ressuscitée : si l'on peut, au moins en principe, retirer toute la matière ordinaire d'une partie de l'espace, le vide ainsi obtenu n'est pas synonyme de «rien».

La terminologie est alors ambiguë : si le vide n'est pas vide, mérite-t-il son nom? Les physiciens modernes définissent le vide comme ce qui reste quand on a éliminé tout ce qu'il est expérimentalement possible d'enlever d'une partie de l'espace : ainsi le vide est défini par une limite expérimentale.

Pour faire le vide, on prélève d'une enceinte toute matière visible, solide liquide ou gazeuse (voir la figure ci-dessus). Quand on a prélevé toute la matière, l'espace n'est toujours pas vide : il contient encore un rayonnement électromagnétique. Une partie de ce rayonnement est d'origine thermique, issue du rayonnement des corps matériels, et peut donc être supprimée par refroidissement de l'enceinte contenant le vide, mais l'autre partie du rayonnement est d'origine différente. Quand bien même on réduirait (par la pensée) la température du vide jusqu'au zéro absolu, il subsisterait un ensemble fluctuant d'ondes électromagnétiques. Ce rayonnement résiduel, le rayonnement de point zéro, qu'il est impossible de supprimer, est une caractéristique du vide.

En 1644, l'ancien secrétaire de Galilée, Évangéliste Toricelli, inventa le baromètre. Cette invention allait démonter l'erreur de la doctrine d'Aristote, selon laquelle le vide était physiquement impossible. Toricelli avait placé du mercure dans un tube en verre fermé à une extrémité, puis il avait retourné le tube sur une cuve remplie de mercure. Le mercure était alors descendu dans le tube jusqu'à ce que sa surface libre se trouve à une hauteur de 76 centimètres au-dessus du niveau du mercure dans la cuve ; un espace sans mercure s'était constitué dans la partie supérieure du tube et cet espace était manifestement dépourvu de toute matière visible. Pour Toricelli, il ne contenait pas non plus de gaz et était donc vide. Une vive polémique s'engagea entre les partisans d'Aristote et ceux de Toricelli. Quelques années plus tard, Blaise Pascal imagina une série d'expériences qui confirmèrent toutes l'hypothèse de Toricelli.

Durant les décennies suivantes, de nombreux physiciens s'intéressèrent aux expériences sur le vide. La plus connue, l'expérience des «sphères de Magdebourg» est due à Otto von Guericke, bourgmestre de Magdebourg : von Guericke avait fabriqué un globe à partir de deux hémisphères de cuivre et il y avait fait le vide ; deux attelages de huit chevaux de trait chacun furent incapables de séparer les deux hémisphères. Il y eut, à la même époque, d'autres expériences moins spectaculaires, mais sans doute plus instructives ; on réussit à montrer, par exemple, que le vide transmettait la lumière et non les sons.

L'expérience du piston

Puis au XIXe siècle, l'idée que l'on se faisait du vide changea à nouveau : une expérience de pensée illustre la nature de ce changement. Imaginons un piston et un cylindre parfaitement ajustés, de sorte que le piston se déplace librement sans que rien ne s'infiltre entre lui et le cylindre. Au début de l'expérience, le piston se trouve au fond du cylindre, ne laissant aucun espace libre. Lorsqu'on applique une force pour tirer le piston en s'opposant à la pression extérieure de l'air, l'espace créé au fond du cylindre est vide. Si l'on relâche immédiatement le piston, il reprend sa position initiale, mais si l'on maintient tiré le piston longtemps, il ne revient pas tout à fait au fond du cylindre ; la pression extérieure de l'air le pousse toujours, tendant à rétablir la configuration première, mais le piston reste un peu en deçà de sa position initiale, même quand on continue à pousser dessus. Quelque chose est apparu à l'intérieur du cylindre et ce qui semblait vide ne l'est pas resté.

Dès le XIXe siècle, les physiciens expliquèrent ce phénomène ; pendant que l'on maintient le piston écarté, les parois du cylindre émettent un rayonnement thermique dans le vide créé ; quand on repousse le piston, le rayonnement est comprimé. Or la compression d'un rayonnement thermique est analogue à celle d'un gaz : la pression et la température du rayonnement augmentent du fait de sa compression. Ce rayonnement comprimé exerce alors une force qui s'oppose au retour du piston et celui-ci ne revient au fond du cylindre que quand le rayonnement à haute température a été réabsorbé par les parois.

Le rayonnement thermique est constitué de champs électromagnétiques qui fluctuent de la façon la plus aléatoire possible. Paradoxalement, ce «hasard maximal» confère au rayonnement thermique une grande régularité statistique. Dans ces conditions d'équilibre thermique, c'est-à-dire quand la température est partout égale, le rayonnement est à la fois homogène et isotrope : ses propriétés sont identiques en tous les points de l'espace et dans n'importe quelle direction ; un instrument mesurant une propriété quelconque du rayonnement indiquerait le même résultat, quelles que soient sa position et son orientation.

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