Quand des séismes géants déclenchent d'autres séismes... à distance
Le lundi 6 février, à 4h17 du matin, un séisme de magnitude 7,8 a frappé la Turquie et la Syrie. Les séismes dans cette région du monde sont courants, mais l'ampleur de celui-ci est clairement impressionnante: pour trouver un séisme aussi violent sur cette faille, il faut remonter en 1114.
Une dizaine de minutes après le séisme le plus puissant, une réplique de
magnitude 6,7 s'est produite à proximité de l'épicentre et d'autres
répliques continuent aujourd'hui de se produire dans une zone allongée
sur plus de 350 kilomètres, depuis l'est de la Turquie jusqu'à la frontière syrienne. Ces "répliques", les séismes qui se produisent après un grand tremblement de terre, sont attendues et leur comportement statistique est bien connu.
De façon plus étonnante et surtout dramatique, un second séisme de
magnitude 7,5 a eu lieu à 13h24 heure locale, plus au nord. Ce séisme
n'est pas une réplique: d'après les premières données traitées en direct
par les grandes agences sismologiques internationales, il se serait
produit sur une faille est-ouest coupant la rupture principale.
Nous n'avons pas encore toutes les informations que fournissent les images satellites et les mesures GPS,
mais il est possible que le second séisme ait été causé par le premier,
une hypothèse qu'il va falloir vérifier dans les jours à venir avec les
données qui arrivent au compte-goutte.
Cette activité sismique majeure sur deux failles proches reflète que les
contraintes qui sont à l'origine des tremblements de terre se déplacent
petit à petit. L'autre grande faille de la région (la faille
"nord-anatolienne") a vu se propager une séquence de séismes au long du
XXe siècle, comme une série de dominos, jusqu'à la mer de Marmara et la mégalopole d'Istanbul.
Toute la communauté scientifique, ainsi que les autorités turques, attendent un séisme
proche de cette ville de 8 millions d'habitants. Nous ne savons pas
quand ce séisme aura lieu ni quelle sera sa taille. Nul ne peut, en
l'état actuel des connaissances, proposer une date et une magnitude pour
ce séisme à venir, et le séisme de ce lundi nous rappelle
malheureusement que la Turquie peut aussi être frappée durement
ailleurs.
Quand des séismes géants déclenchent d'autres séismes... à distance
Il existe aussi un type de déclenchement dit "dynamique". Dans certains cas, la variation de contrainte résultant
d'un grand séisme n'est pas assez grande pour expliquer l'occurrence de
certains séismes, notamment s'ils sont situés à plusieurs centaines de
kilomètres de l'épicentre du choc principal.
Par exemple, suite aux séismes californiens de Landers en 1992 et Hector
Mine en 1999, des essaims de séismes ont été observés à plusieurs
centaines de kilomètres de l'épicentre. Il a été démontré que ces séismes ont eu lieu exactement lors du passage des ondes sismiques les plus fortes émises par ces deux séismes.
Des observations similaires ont été effectuées en laboratoire pour démontrer que lors du passage de ces ondes sismiques, le matériau qui constitue le cœur de la faille s'affaiblit, provoquant un relâchement des contraintes par glissement, c'est-à-dire un séisme.
Ce genre de comportement vient de la physique des milieux granulaires,
qui lorsqu'ils sont secoués, peuvent se comporter comme des fluides.
Secouer rapidement un tas de sable va le conduire à s'aplatir sous son
propre poids alors que sans ces secousses, il tient très bien tout seul.
Secouer rapidement une faille peut donc la conduire à glisser, produisant ainsi des séismes. Il a aussi été observé que ces ondes sismiques peuvent déclencher des glissements lents à des distances colossales.
Les ondes sismiques émises par le séisme de Maule, un séisme de
magnitude 8,9 en 2010 au Chili, ont provoqué un glissement lent le long
de la subduction du Mexique, à environ 7 000 kilomètres de l'épicentre.
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