Les fonctions mentales et l'intégrale du sens anatomie

l'asymétrie cérébrale désigne l'inégale implication des deux hémisphères du cerveau dans les différentes fonctions mentales. Dans leur anatomie générale, les deux hémisphères sont très semblables mais il existe un certain nombre de caractéristiques plus fines qui les distinguent l'un de l'autre. Le lien entre ces différences structurelles et les différences fonctionnelles reste mal compris.

L'asymétrie du fonctionnement cérébral a été mise en évidence à la fois par l'étude des conséquences de lésions cérébrales accidentelles sur les facultés cognitives mais aussi, plus récemment, grâce aux techniques d'imagerie cérébrale qui montrent des activations asymétriques suivant les opérations mentales qu'effectue la personne dont on enregistre des indices de l'activité cérébrale. Malgré d'importants progrès sur cette question, il reste de nombreux points de débat : sur le lien entre ces asymétries et la dominance hémisphérique, sur les mécanismes neurodéveloppementaux qui aboutissent à ces asymétries ou sur l'influence des facteurs environnementaux ou génétiques.

-Complexité anatomique

Au niveau de l’anatomie des aires corticales, les différences entre les hémisphères sont très complexes, et ne nous permet pas de faire une catégorisation des fonctions selon cette asymétrie. Par exemple, le langage est localisé sur trois régions principales : le planum temporale (qui appartient à l’aire de Wernicke et est impliqué dans la compréhension du langage) ; le gyrus de Heschl (aire auditive primaire) et l’opercule frontal (correspond à l’aire de Broca). Le planum temporale est effectivement plus grand dans l’hémisphère gauche, mais cela pour seulement 65 % des êtres humains. Le gyrus de Heschl est, quant à lui, supérieur dans l’hémisphère droit que dans le gauche, et on trouve même souvent la présence de deux gyri de Heschl à droite. L’opercule frontal est dans sa partie inférieure plus grand dans l’hémisphère gauche que dans le droit, mais c’est l’inverse pour sa partie superficielle. Avec ces trois exemples nous pouvons comprendre à quel point l’asymétrie cérébrale est complexe et délicate, et nous empêche de tirer des conclusions globales.

- Les théories de la latéralité cérébrale

- La théorie analytique-synthétique

L’hypothèse a été faite que les deux hémisphères seraient à l’origine de deux traitements différents de l’information. Selon Kahneman (2011), il existe deux systèmes de pensée : à l’hémisphère gauche, il attribue un type de traitement logique, mathématique, séquentiel, fonctionnant en progressant du détail vers la complexité. Il lui associe un raisonnement analytique, lent et réfléchi (la tortue), par opposition au raisonnement synthétique, rapide et intuitif (le lièvre) qui caractériserait l’hémisphère cérébral droit. Celui-ci est dit analogique, et empirique, fonctionnant plutôt sur la globalité, l'expérience, l'erreur et la déduction. Cette distinction serait basée sur des types de réseaux neuronaux différents. Les réseaux de l’hémisphère cérébral gauche seraient en effet majoritairement linéaires, ce qui imposerait un traitement séquentiel, alors que les réseaux de l’hémisphère cérébral droit seraient constitués en parallèles, imposant un traitement global.

- La théorie motrice

Elle consiste à dire que l’hémisphère cérébral gauche, a été au cours de l’évolution de l’espèce, spécialisé dans le fonctionnement de la motricité, incluant le langage comme une de ces formes particulières.

- Intelligence analytique- intelligence empirique

Ne pouvant décrire le fonctionnement cérébral, il ressort de ces théories un découpage de fonctions qui permet une répartition non plus spatiale mais psychique avec la mise en opposition de deux formes d'intelligence complémentaires.

Cette opposition logique se retrouve en psychologie cognitive. On peut notamment montrer le tableau établi par Daniel Durand à propos de la systémique. Pour arriver à cette synthèse, il se base sur les travaux de Jean Piaget et d'Herbert Simon. Il superpose à la séparation intuitif/raisonné (ici dénommés flous et rigoureux) la séparation ajout/suppression (ici nommé généralisant et discriminant) :

Tableau de raisonnement
RigoureuxFlous
GénéralisantsInductionAnalogie
DiscriminantsDéductionAbduction

- L'intelligence analytique

Elle est exacte par nature et s'exprime pleinement dans le détail, dans l'abstraction, dans l'indexation. C'est la base des sciences, qui permet d'affirmer que 1 + 1 = 2. En théorie, elle ne peut être prise en défaut, et permet d'atteindre tous les niveaux de complexité par addition. La tentation est forte de l'assimiler aux mathématiques, mais c'est aussi la base du langage. Son plus gros défaut est qu'elle ne supporte pas les lacunes.

- L'intelligence empirique

Elle est intuitive et s'exprime mieux dans le recoupement, l'expérience et donc la globalité. Elle intervient plus dans l'adresse physique, dans les mathématiques complexes, ou quand le langage devient poétique. Elle permet de résoudre un problème sans en avoir toutes les bases, mais s'accommode mal de l'abstraction, car tout apport doit s'intégrer à l'ensemble. On l'assimilerait à l'intelligence artistique, ou l'intelligence de l'image.

- Les applications controversées

Ont été rattachés à l'asymétrie cérébrale (à tort ou à raison) :

  • l'épilepsie : peut être un surplus de communication entre les hémisphères cérébraux. La méthode de guérison chirurgicale consiste à sectionner une zone de liaison entre les hémisphères (voir callosotomie) ;
  • la migraine : qui affecte un hémisphère indépendamment de l'autre et parfois la moitié associée du corps en provoquant une hémiplégie partielle ou totale ;
  • l'autisme : selon certains, rupture totale ou partielle des connexions entre les hémisphères. (Mais c'est une autre forme de « découpage » qui prend le pas : problème de liaison entre la perception - les stimuli - et le reste de l'activité cérébrale) ;
  • la dyslexie : problème de connexion entre les hémisphères ou lacune latéralisée. Thèse acceptée dans le cas de dyslexie traumatique résultant d'un accident cérébral, mais pas pour « la dyslexie » en général.

- Effet du tabagisme

Deux études ont examiné l’effet du tabagisme sur la latéralisation du langage. Son impact différerait selon le genre et la dimension langagière sur la dominance cérébrale.

2010 :

Hahn, Pogun et Güntürkün ont observé une performance inférieure à une tâche d'écoute dichotique au niveau de l’oreille droite chez les participants fumeurs cisgenres. Ceci suggère une modulation au niveau de la latéralisation du langage dans cette population étant donné le traitement controlatéral (du côté opposé) de l’information perçue. Un indice de latéralité plus élevée est associé à une meilleure reconnaissance des stimuli. Chez les hommes cisgenres seulement, il semblerait que plus le niveau de tabagisme est élevé, plus l’indice de latéralité et la performance sont bas. En ce qui a trait aux non-fumeurs, les femmes cisgenres ont montré un plus haut de taux de réponses de type bilatéral comparées aux hommes. Dans cette étude, aucun historique du fumeur n’avait été pris en compte dans l’analyse.

2011 :

La deuxième s’intéressait aux personnes schizophrènes chez qui la dépendance à la nicotine est plus accrue. Certains auteurs postulent que la réduction de l’asymétrie cérébrale augmenterait les risques de souffrir de cette pathologie. Cette fois-ci, l’écoute dichotique comportait une tâche émotionnelle, c’est-à-dire que les stimuli étaient enregistrés avec tristesse, surprise, joie, colère ou de façon neutre. L’identification de ces stimuli se faisait mieux et plus rapidement lorsque présentés dans l’oreille gauche. Les hommes non-fumeurs détenaient un indice de latéralité plus élevé que les hommes fumeurs et les femmes non-fumeuses. Chez les hommes, l’effet du tabagisme était présent lors de la tâche phonémique hémisphérique gauche tandis que chez les femmes, il l’était lors de la tâche émotionnelle hémisphérique droite. Les personnes schizophrènes avaient des résultats similaires à la population dite normale entre les fumeurs et les non-fumeurs.

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